XVIIIe siècle
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Sommaire: Note from the Editor. Articles: M. Black, “Murder Most Foul – Iphigeneia, Lucretius and Diderot”; Ph. Knee, “Diderot et Montaigne: Morale et scepticisme dans Le Neveu de Rameau”; P. Pellerin, “Diderot, Voltaire et le curé Meslier: un sujet tabou”; J.-Ch. Rebejkow, “Diderot, les Salons de 1767 et de 1769 et la question du luxe”; W. E. Rex, “Music and the Unity of Le Neveu de Rameau”; G. Sheridan, “An Other Text: Rationalist Iconography and the Representation of Women’s Work in the Encyclopédie”; M. Spangler, “Les Monstres textuels dans le transformisme de Diderot”; E. Zawisza, “Une Lecture littéraire des lettres de Diderot à Marie-Madeleine Jodin”. Reviews.
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De tout temps, le nationalisme roumain s’est nourri de références aux traditions paysannes. Le phénomène a été communément expliqué par l’implantation de fortes minorités sur le territoire national. Lorsque les provinces roumaines sont regroupées dans un même Etat en 1921, les minorités nationales représentent en effet 28, 1% de la population totale et 41, 4% de la population urbaine. Après la seconde guerre mondiale, le territoire roumain est ramené à de plus modestes proportions, mais une forte minorité magyare reste néanmoins implantée en Transylvanie. Une clé de lecture semble ainsi se dégager du fait que les autorités poursuivent un objectif d’homogénéisation culturelle, la référence aux valeurs paysannes leur permettant de stigmatiser les minorités implantées dans les villes. L’étude de la mobilisation identitaire antérieure à l’unification du territoire roumain révèle pourtant les limites d’un telle approche : l’enchevêtrement des thématiques nationale et paysanne est observable sans que le statut des minorités n’y fasse encore l’objet d’un questionnement systématique. Elles évoluent dans deux environnements distincts : la Moldavie et la Valachie sont insérées dans l’empire ottoman, tandis que la Transylvanie est partie intégrante de l’empire Habsbourg. Dans chacun des cas, les populations roumaines sont soumises à une tutelle extérieure, tout comme elles sont formées en majorité de paysans. Ainsi deux axes de recherche se dégagent-ils : il convient d’abord de confronter la situation interne à la position externe de la collectivité étudiée, ensuite d’examiner les relations établies entre le sommet de la hiérarchie sociale et sa base paysanne. En croisant ces deux axes, Antoine Roger vise à comparer les différentes occurrences du nationalisme roumain et à en dégager des principes de variation.
Antoine Roger est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politique de Bordeaux. Ses recherches portent sur les comportements politiques en Europe centrale et orientale. Parmi ses publications récentes figurent Les grandes théories du nationalisme (Paris, Armand Colin, Collection " Thema - science politique ", 2001) et Fascistes, communistes et paysans : sociologie des mobilisations identitaires roumaines (1921-1989) (Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2002)
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Sommaire: Vers une histoire romantique?: B. Baczko, «Entre Thermidor et Brumaire»; C. Müller, «Nostalgie politique, révolution et régime républicain à Genève à la fin de l’Ancien Régime (1782-1792)»; E. Tieffenbach, «De la “main invisible” à la “ruse de la Raison”: Traduction romantique d’une idée des Lumières»;
C. Flückiger, «L’investissement affectif de l’objet historique (Winckelmann, Quatremère de Quincy et Augustin Thierry)»; G. Bardazzi, «Sineddoche. Strutture del pensiero in Manzoni analista della rivoluzione». Les genres: continuité et transformations: J. Starobinski, «D’André Chénier à Baudelaire»; F. Jacob, «Lyre Chénier»;
L. Danzi, «Poesia didascalica e scientifica tra XVIII e XIX secolo»; M. A. Terzoli, «I testi di dedica tra secondo Settecento e primo Ottocento: metamorfosi di un genere»;
J. Talens, «Romantisme et crise du littéraire en Espagne: le cas d’Espronceda». Texte et image: E. Lavezzi, «Typologie et imaginaire du paysage dans les Eléments de Valenciennes, héritier de de Piles et Watelet»; L. Calè, «“Lapland Orgies: The Hell-Hounds round Sin”: réécriture et invention dans la galerie miltonienne de J. H. Füssli»; H. G. Von Arburg, «“Le Lavater portatif”: La physiognomonie entre Lumières et romantisme sous l’aspect de sa vulgarisation en France». Le regard sur l’autre:
B. Saba, «Invention et réinvention britannique du bonheur suisse: Descriptive Sketches (1793) de William Worsworth»; A. Staüble, «Luci e ombre dell’anglofilia nelle cultura italinana del tardo Settecento». Approches de la subjectivité: J. Rigoli, «L’apprentissage du singulier. Philippe Pinel entre «histoire» et “cas”»; V. Ehrich, «Amour vertueux, amour libertin, amour romantique (l’exemple allemand) Vers une archéologie psychohistorique de l’individualité moderne»; M. Winkler, «Théorie et esthétique du sentiment religieux chez Benjamin Constant».
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L’état du trésor royal continuait à se détériorer et, chaque année, un nouveau déficit venait s’ajouter aux précédents. Calonne, contrôleur général des finances, pensait qu’un impôt foncier constituerait un palliatif efficace. Pour cautionner cette politique, le roi convoqua en 1787 les représentants du clergé et de la noblesse, les grands propriétaires fonciers, à une Assemblée des notables. En l’occurrence, les nobles lui refusèrent leur appui. Les parlements en firent autant. L’autorité du roi souffrit une défaite de taille.
La réforme de la situation des protestants s’avéra moins difficile. En novembre 1787, fortement influencé par des juristes, Louis XVI signa un décret qui conférait un état civil à ses sujets protestants. Après de vigoureux débats, l’édit devint loi le 29 janvier 1788 avec la sanction que lui accorda le Parlement de Paris.
On continuait de manifester beaucoup d’intérêt pour la nouvelle république des Etats-Unis d’Amérique, pour sa population et ses institutions. Mais, trop souvent, on offrait aux lecteurs une image flatteuse du pays, très différente de la réalité. Cependant, Brissot de Warville, avec une intelligence certaine de cette dernière, en rendit compte plus correctement.
Joseph II poursuivait ses réformes dans les différents territoires mis sous son autorité, notamment aux Pays-Bas autrichiens. Malheureusement, il voulut faire vite, sans égard pour les sentiments de ses sujets ni pour leur attachement à des intérêts particuliers. L’opposition fut générale. Finalement, des émeutes éclatèrent à Bruxelles en mai 1787. L’entrée en vigueur des réformes fut immédiatement suspendue.
En France, le monde des lettres changeait rapidement. A mesure qu’empirait la situation, la nécessité de trouver des remèdes s’imposait. Les écrivains, comme Mirabeau, accordèrent une attention accrue aux affaires publiques dans l’espoir de les réformer et d’influencer l’opinion.
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L’opéra français de Quinault, Lully et leurs successeurs n’est pas un simple divertissement: comme pour toute forme d’art, les œuvres rassemblées dans le Recueil général des opéras expriment une certaine vision de l’homme dans ses rapports au monde et au divin. Ainsi, sur le plan moral, doivent-ils beaucoup à la tradition épicurienne. Cependant, cet épicurisme est modulé et il évolue, un moment tenté par un hédonisme facile, puis cherchant à réconcilier bonheur et vertu. La mise en question des dieux, déjà présente du temps de Lully, s’exacerbe par la suite tandis que l’homme se pose en victime. Toutefois, après 1713, le principe divin est progressivement réhabilité. Paradoxalement, il ressort de cette évolution qu’à l’Opéra, c’est sous le règne de Louis XIV que se développent les contestations les plus radicales, et que le Siècle des Lumières est aussi celui de la remise en ordre sur le plan moral et théologique.
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Le tome II des Spectacles à Paris pendant la Révolution couvre la période allant de la proclamation de la République (septembre 1792) à la fin de la Convention nationale (octobre 1795), incluant ainsi le temps de la Terreur (juin 1793-juillet 1794). Si l’idéologie des Jacobins s’est imposée au théâtre pour l’endoctrinement du peuple, la vie de tous les jours envahit la scène avec de nombreux «faits historiques», militaires, politiques ou tout simplement anecdotiques. Les Parisiens ont à leur disposition de nombreux spectacles et des divertissements divers pour se distraire aux heures tra-giques. Durant ces quatre années, 855 pièces sont créées à Paris, 185 pièces sont reprises des pièces créées en 1789-1792 (tome I), et 554 appartiennent au répertoire ancien d’avant 1789. Au total, 1594 pièces ont été jouées à Paris en 37 mois. Cet ouvrage est un répertoire analytique, chronologique et bibliographique; non une histoire du théâtre, mais un document, un outil de travail de base destiné aux chercheurs et aux historiens.
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Le siècle des Lumières marque un moment de mutation très important dans le domaine du livre et de l’imprimé: alors que, depuis Gutenberg, nous sommes dans la logique de la "librairie d’Ancien Régime", celle-ci est progressivement battue en brèche, tandis que le champ de la "publicité" commence à monter en puissance et que les acteurs du champ littéraire se déplacent également. Et, dès les années 1760-1770, nous entrons dans la logique de ce qui deviendra la "seconde révolution du livre" et qui s’appuiera aux deux processus fondamentaux de mutation que sont la révolution politique et la révolution industrielle.
Cette période cruciale a été de longue date scrutée par les historiens, historiens de la littérature et des "mentalités", mais aussi historiens du livre et bibliographes. Pourtant, on ne dispose pas encore d’un travail systématique sur ce que Henri-Jean Martin désignait comme le "petit monde du livre": non seulement les imprimeurs eux-mêmes, mais aussi les libraires et, d’une manière générale, tous les acteurs qui, régulièrement ou de manière plus épisodique, ont à faire avec l’imprimé (relieurs, petits marchands, revendeurs, colporteurs, etc.). C’est tout le sens de l’entreprise de la Prosopographie des gens du livre au XVIIIe siècle d’Ancien Régime, dans laquelle s’intègre le présent volume, consacré à la géographie du Nord de la France (actuels départements du Nord et du Pas-de-Calais).
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La négociation prime la guerre, mais encore convient-il de la pratiquer avec adresse. A cet effet, François de Callières, spécialiste du bon usage du discours et diplomate sous Louis XIV, propose une synthèse théorique, toujours actuelle, destinée au perfectionnement dans la manière de négocier.
Pour s'insinuer dans le jeu diplomatique et bien d'autres contextes, le négociateur doit d'abord se préparer, cerner ses instructions, son mandat, et s'informer des intérêts de son partenaire futur, s'imprégner de sa culture et de ses passions, en somme, mobiliser toutes les ressources à disposition pour rentrer dans ses bonnes grâces.
Ensuite, le négociateur se met en action. Il constitue des alliances favorables et empêche toute union nuisible. Sans jamais perdre son sang-froid, il écoute avec attention, soigne la relation et choisit le bon moment pour parler juste. Il concilie les intérêts des protagonistes et imagine des expédients persuasifs, dans le souci incessant de sa réputation et du respect de la parole donnée.
Depuis 1716, ce texte a connu des succès de rééditions, en langue anglaise notamment. Il renaît enfin dans sa langue d'origine. A un moment où la négociation occupe une place centrale au sein des rapports humains, il en illumine les théories et pratiques contemporaines.
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Voici la diplomatie examinée selon un modèle inédit de l’histoire culturelle et sociale : ce sont les expériences individuelles et collectives, les connaissances européennes sur l'Autre, non-européen, et les techniques d'interaction – l’usage linguistique, le cérémonial d’audience, la pratique du tribut et du don entre autres – qui fournissent à l’analyse sa matière.
L'étude biographique, objet de la première partie, rend compte de la variété du contexte socioculturel dans lequel évolue un consul et chargé d'affaires français près une cour maghrébine, à Tunis en l'occurrence. Christian Windler peint ce notable, expatrié, membre d’un corps d’intermédiaires spécialisés en voie de constitution, alliant l’expérience qu’il a des relations diplomatiques à celle qu’il fait de l’interaction entre les pouvoirs locaux et les autorités en France.
Les trois parties suivantes saisissent l’évolution de la culture diplomatique, dans un milieu qui, durant le XVIIIe siècle, est pénétré par la propagation des contacts pacifiques entre chrétiens et musulmans. Issu des révolutions de la fin du siècle, un nouvel ordre international met en question le système diplomatique jusqu’alors pluraliste. C’est désormais la prépondérance des puissances européennes qui façonne, différemment, la coexistence du diplomate et de l’Autre dans le bassin méditerranéen.
Christian Windler est professeur au Séminaire d’Histoire de l’Université de Fribourg-en-Brisgau.